La guérison passe par le pardon (Extrait de mon livre)
- Christophe Peroua
- 29 nov. 2023
- 5 min de lecture

Selon le Petit Larousse, la guérison est la « disparition totale des symptômes d’une maladie ou des conséquences d’une blessure avec retour à l’état de santé antérieur ». Que vient faire le pardon dans ce processus ?
Pour l’expliquer, il faut que je revienne succinctement sur ce long parcours qui a vu évoluer mon regard sur la maladie.
Après des années d’errance, j’ai trouvé grâce à Philippe, mon hypnothérapeute, l’énergie et le courage d’entreprendre une thérapie comportementale et cognitive qui a donné de très bons résultats. Jusqu’à ce jour, je n’avais jamais réussi à la mener à bien car, en abandonnant mes rituels, je me sentais en danger. Dès le lendemain de la première séance d’hypnose, j’ai ressenti comme par enchantement un apaisement de mes compulsions de lavage. J’en ai profité pour mettre en pratique les méthodes enseignées par le psychiatre qui consistent à abandonner progressivement la durée des lavages et à affronter la réponse anxieuse jusqu’au constat que rien de grave ne peut m’arriver. Chaque victoire permet ainsi d’engager une nouvelle bataille le lendemain. Les TOC fonctionnant comme une addiction, j’ai aussi rééduqué mon cerveau à ne plus me laisser envahir par les pensées intrusives qui débouchent à ces compulsions.
Aujourd’hui, je vais donc beaucoup mieux. Ces pensées se font plus rares et j’ai trouvé la parade à celles qui subsistent en disant tout simplement non ! Je ne veux plus répondre à ces constructions maladives qui déforment la réalité. Mais en cassant cette mauvaise logique, je ne me suis attaqué qu’aux symptômes et non à la cause. J’ai donc conscience que je ne suis pas guéri pour autant.
J’ai déjà expliqué que le corps porte l’empreinte de notre histoire émotionnelle et comment le mal de dire ces émotions refoulées se transforme en TOC. Si j’ai compris l’intérêt de revisiter mon histoire afin de mettre fin à toutes ces pensées négatives, je n’en suis resté qu’à la théorie. Je me contente du confort d’une vie avec moins de crises, mais me prive ainsi d’une totale guérison. Je sais pourtant que si je reste attaché à ce genre d’attitude compulsive, malgré la souffrance qui en découle, c’est que je ne me suis pas délivré de la charge émotionnelle qui s’y rattache et qui impacte ma relation avec les autres et moi-même. Je découvre là les limites de la thérapie.
C’est à ce moment que je perçois la nécessité de m’engager dans la voie du pardon pour guérir. Mais pardonner quoi, pardonner qui ? Et comment ?
Pardonnez ceux et celles qui m’ont blessé avec leurs mots, leurs silences, leurs actes, leurs maladresses. Ceux qui m’ont entraîné dans des choix qui ne me ressemblaient pas, ou qui m’ont aussi culpabilisé quand j’essayais d’être moi.
Me pardonner de m’être culpabilisé de mon propre chef ou de m’être fait souffrir par manque de discernement, de maturité ou trop de susceptibilité.
Nos maladresses, nos difficultés à communiquer, notre manque de naturel, nos doutes, notre peur de ne pas être aimés, nos attentes inassouvies sont à l’origine de bien des quiproquos. Nous sommes tantôt la victime, tantôt le bourreau. C’est ainsi qu’une pensée s’est fait jour : puisque nous sommes tous à bord d’un même bateau, qui navigue sur le vague à l’âme, à quoi bon en vouloir aux hommes, à quoi bon s’en vouloir à soi-même ? Par manque d’humilité, par trop d’ego, nous oublions notre vraie nature avec ses qualités et ses faiblesses. Alors celle-ci vient nous rappeler notre condition. Tant que nous n’acceptons pas de poser un genou à terre et préférons rentrer dans une compétition sans merci entre nous, nous préparons le terrain de la maladie car nous ne partageons que des mauvaises énergies et nous nous épuisons inutilement. Quand je parle de « compétition », je pense aussi à celle que nous nous livrons pour garder le monopole de la souffrance. Nous faisons souvent l’erreur de croire que cela nous rend plus humain. Alors celle-ci devient notre fonds de commerce et finit par occuper insidieusement notre « terrain de je » jusqu’à nous rendre dépendant. La dépendance conduit à l’addiction et, en ce qui me concerne, au TOC.
D’abord, et contrairement à ce que pensent certains, pardonner n’est pas oublier, car gommer de notre histoire les pans douloureux, c’est oublier qu’ils ont contribué à nous construire. C’est aussi oublier que nous sommes tous des êtres en relation, ayant une histoire commune, un inconscient collectif, etc. Pardonner ce n’est pas non plus minimiser, ni excuser. C’est en prenant la pleine mesure de l’acte blessant que l’on ressent dans un premier temps de la colère ou de la rancœur qui pourront se transformer en pardon.
Accorder son pardon sans qu’il nous soit demandé est possible. Pour ma part, l’idée de pardon m’est venue spontanément. Ce n’est que plus tard que j’ai compris le sens du pardon et l’énergie qu’il insufflait. Pardonner, c’est d’abord comprendre comment nous avons pu être blessés. C’est prendre conscience que la blessure infligée n’est pas forcément de nature intentionnelle mais peut être le fruit d’une maladresse, d’un malentendu, d’une relation toxique. Pardonner, n’est pas excuser mais prendre du recul. Le pardon vient nous libérer du poids de la colère et nous permet de sortir d’une relation névrotique. Ressasser le passé et se nourrir de mauvais sentiments dont nous voudrions expliquer la légitimité nous empêche de vivre pleinement le présent et de s’offrir une nouvelle chance de vivre sereinement avec l’autre.
Pour cela il faut rappeler que nous sommes bien souvent l’enjeu des projets parentaux et prisonniers des injonctions au bonheur de la société. Cette prise de conscience nous permet de nous libérer des pressions et de la culpabilité dont nous avons été inconsciemment l’objet. Ainsi libérés de ce poids, nous pouvons en toute liberté prendre notre vie en main en s’acceptant tels que nous sommes réellement. Cette acceptation, dont j’ai fait cas dans un chapitre précédent, est un préalable à l’expérience du pardon. En effet, en se détachant de ce que l’entourage attend de nous et en assumant le risque de ne pas lui plaire, nous ne sommes plus dans l’attente de reconnaissance. Nous nous aimons enfin et l’amour que nous pouvons donner à l’autre n’est plus une construction de l’amour que nous nous portons à nous-mêmes. Comme je l’ai déjà dit, notre histoire ainsi décryptée nous permet de pardonner après s’être acceptés comme nous sommes.
Bien que je sois croyant, cette démarche n’a rien à voir avec la spiritualité. Cette expérience, je l’ai faite en m’appuyant sur une logique qui s’est imposée à moi dans cette quête de guérison. Nul doute pour moi que le fait de croire en Dieu ait participé à ma démarche mais cela ne s’est fait que de façon inconsciente. Peut-être m’y a-t-il aidé. Mais là n’est pas le propos.
L’expérience du pardon est l’aboutissement d’un long parcours qui ne tient compte que de mon cheminement personnel.
Aujourd’hui, je me sens léger et presque libre grâce à ce pardon. Oui ! Presque libre, car je pense profondément avoir découvert la bonne formule pour guérir mais je ne suis qu’un praticien maladroit. Dans son livre Un long chemin vers la liberté, Nelson Mandela, écrit : « Nous ne sommes pas encore libres. Nous avons seulement atteint la liberté d’être libre. » Le pardon m’a permis de m’émanciper. J’ai pris mon indépendance vis-à-vis de l’entourage mais pas encore totalement avec les TOC.
Je pense être sur la bonne voie. Quand je pense que le TOC me le disait de sa petite voix : « Toc, toc ! »
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