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Le mal a dit d'amour (chapitre de c'est grave TOCteur?)

  • Photo du rédacteur: Christophe Peroua
    Christophe Peroua
  • 15 nov. 2023
  • 4 min de lecture



« Elle court, elle court, la maladie d’amour » … Michel Sardou ne croyait pas si bien dire. Pour ma part, les TOC voulaient me parler de cet amour que je ne percevais pas. J’ai couru après lui pendant soixante ans, jusqu’au jour où j’ai compris.


Depuis mon plus jeune âge, j’entends : « Christophe, tu es compliqué. » La normale ne m’aurait pas désigné comme l’anormal si j’avais été une personne sans histoires. Je ne suis donc pas étonné que la société ne s’implique pas dans mon histoire relationnelle et émotionnelle à l’origine de mes TOC. Elle préfère dire que celui qui souffre ne s’est pas donné les moyens pour être heureux. Il n’est qu’un piètre consommateur d’un bonheur si juteux pour notre économie capitaliste.


Le contrat est clairement annoncé : « Soit heureux et tais-toi. » À cela je réponds : « Sois heureux parce que t’es toi. » C’est mon contrat’diction.


Mais qui suis-je ? Une personne qui, comme tous, veut être reconnue et aimée. C’est là tout le drame : de l’amour, j’en ai fait un projet et tout ce que j’ai entrepris dans ma vie n’était dicté que par cette quête du Graal. De coupe en coupe, de compétition en compétition, de diplôme en diplôme, de succès en succès, d’aventure en devanture où les objets de ma mise en valeur pour plaire et être aimé m’attendent de pied ferme, je suis devenu ce marathonien qui court après une définition du bonheur qui pourra faire de moi un être aimé. D’un amour sous conditions.


Quand la maladie vient frapper à la porte de mon inconscient, « toc, toc ! », je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. J’en appelle à la médecine des hommes qui se frottent les mains. Me voilà contraint de consommer les pilules du bonheur (Prozac) car je n’ai pas répondu à cette exhortation à être heureux. Je n’ai pas encore compris à cet instant que je me suis laissé piéger par une définition qui m’éloigne de ce que je recherche : être aimé tel que je suis.


Avec le temps, je m’approche peu à peu des choses essentielles. Je comprends que m’accepter et m’aimer me permet de ne plus répondre aux injonctions et aux attentes de l’entourage dont j’ai espéré reconnaissance et amour. Connaissant les enjeux qui nous lient les uns aux autres, j’accède au pardon et je me sens presque libre. Alors, j’apprends à lâcher les émotions trop longtemps contenues. Celles-ci avaient pris corps dans mon inconscient, afin que je ne souffre pas de la crainte de ne pas être aimé.


J’annonce : acceptation + pardon + lâcher d’émotions = guérison. Enfin presque… J’ai l’impression d’être resté sur ma faim… de recevoir ou fin de non-recevoir. Tout ça n’est pas très clair dans mon esprit. Puis, je me souviens de ce proverbe tibétain : « La maladie est un avertissement qui nous est donné pour nous rappeler à l’essentiel. » Par un beau dimanche ensoleillé, je me promène sur les bords de Loire avec mon meilleur ami et je prends tout à coup toute la mesure de l’instant qui m’offre cet essentiel : je reçois plein d’amour sans avoir à le chercher. Je comprends alors que j’ai passé ma vie à attendre l’amour des autres alors qu’il suffisait de recevoir tout simplement ce qui était déjà donné. Nous passons notre vie à réclamer de l’amour, un amour que nous ne savons pas recevoir car trop occupé à l’attendre. C’est là tout le paradoxe : plus nous attendons et moins nous recevons.


Je me dis alors que j’ai passé presque toute ma vie à côté de cet autre essentiel qui me tendait les bras. J’ai fait des études pour devenir éducateur, j’ai suivi une psychothérapie, engagé une thérapie comportementale et cognitive et suivi des séances d’hypnose pour me rendre compte que plus nous cherchons à comprendre et moins nous comprenons. Je me souviens de cette phrase : « Heureux les simples d’esprit. » Il ne s’agit pas d’être idiot mais simple comme le décrit André Comte-Sponville dans son Petit traité des grandes vertus (1995) : « Le simple vit comme il respire, sans plus d’efforts ni de gloire, sans plus d’effets ni de honte. La simplicité n’est pas une vertu qui s’ajouterait à l’existence. C’est l’existence même, en tant que rien ne s’y ajoute. »


Cette simplicité dans nos rapports à l’autre et à la vie doit se confronter à la dure réalité d’une société que nous avons bâtie en nous référant à nos propres modèles… et nous nous étonnons que celle-ci nous modèle. Quand le piège se referme sur nous, il est plus facile de se voir victime que bourreau. Pour ne pas trop souffrir, nous préférons nous plaindre d’une société dont nous avons posé les bases et taire notre incapacité à retenir les choses importantes. Alors, la maladie nous renseigne sur le pourquoi de nos émotions et notre difficulté à les libérer. Elle intervient pour nous éviter un mal bien plus grave : la faim de recevoir un amour que nous nous refusons. Le mal a dit et nous n’écoutons pas car nous fermons notre cœur. Comme le souligne Catherine Enjolet dans En danger de silence, « le mal-dit, le non-dit, c’est non-assistance à soi-même. C’est s’enfermer dans la pire des prisons, celle qui vous retient victime et bourreau à la fois. Il n’y a pas pire violence, pire torture émotionnelle. Le silence condamne à la souffrance… ».


Ce Christophe que l’on voulait sans histoires s’était perdu dans les méandres de ses réflexions en cherchant dans son histoire émotionnelle l’amour qu’il n’avait pas su recevoir. Sur le site d’Ouest France, une citation de Laurence Castell (internaute) dit ces très jolies choses : « Il est des moments dans la vie qui révèlent la lumière restée éteinte si longtemps car trop négligée. Trop de poids, trop de conformisme social. Il est des moments où la vie banale peut être une aventure où explose une tempête d’émotions. L’amour est beau car il permet de grandir, et ce, quelles que soient les souffrances, et ce, quel que soit l’âge. »


Comme je l’ai dit, Messieurs les docteurs, souffrez que j’aie pu souffrir… au regard d’une vie que j’ai subie au lieu de vivre

 
 
 

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