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Être fou, c'est être dans la "normale"

  • Photo du rédacteur: Christophe Peroua
    Christophe Peroua
  • 15 nov. 2023
  • 3 min de lecture

Extrait de mon livre: C'est grave,TOCteur?









Si nous nous référons à la définition la plus répandue, est normal ce qui ou celui qui colle au plus près des critères et des caractéristiques appartenant au plus grand nombre. On parle alors de « conformité ». Par effet contraire, l’anomalie, le handicap, la déviance, etc. ne sont pas normaux puisqu’ils ont un caractère exceptionnel. Dès lors, le normal social étant d’abord une histoire de nombre, il est évident que le cadre de cette normalité est déterminé par l’homme qui, pour le circonscrire, s’appuie sur ce qui le rassure, à savoir sur ce qu’il a l’habitude de rencontrer.

Les fondements de ce cadre sont en réalité très fragiles. Ainsi, si dans un groupe de vingt personnes nues et non coiffées l’une d’entre elles porte un entonnoir sur la tête, vous saurez aisément désigner le normal ou le fou. La scène se complique lorsqu’il vous est demandé immédiatement après d’indiquer le fou dans un groupe de vingt personnes nues où dix-neuf d’entre elles sont coiffées avec le même entonnoir.


Revenons maintenant au TOC : bien des personnes qui en souffrent se murent dans le silence pour ne pas porter d’entonnoir. Elles craignent d’être cataloguées comme folles. Pourtant, une situation évoquée précédemment nous ramène aux limites de la maladie, c’est-à-dire au cadre de la normalité déterminé selon le nombre d’individus. Je vous disais alors que nous étions propres et toqués par effet comparatif sous le regard de personnes manquant elles-mêmes d’hygiène. C’est donc une exclusion comportementale. Qui devrait ici porter l’entonnoir ?


Je me suis longtemps interrogé sur la définition de la maladie : à partir de quel moment peut-on dire que nous sommes malades ? Lorsqu’il y a un ensemble de transformations objectivables par un examen, des analyses ou une imagerie médicale ? Ou lorsqu’il y a simplement une douleur ressentie que la médecine tente d’abord de comprendre par quelques supputations ? Quand y a-t-il pathologie ? Et que penser d’une souffrance psychologique qui ne répond à aucune maladie mentale répertoriée ? À quel moment la maladie elle-même fait que nous sommes classés parmi les « anormaux », plus exactement quand sommes-nous sortis du cadre ?


Puis j’ai compris que la réponse était celle-ci, celle de notre société dont la définition est très simple : le malade est celui qui se plaint de douleurs ou d’une souffrance et qui, par conséquent, se trouve dans l’impossibilité de vaquer à ses activités personnelles et, plus grave encore, de se rendre à son travail. Le malade va être réparé tout comme une machine car il se doit d’être utile à sa société. Le toqué, lui doit entrer dans cette définition. Sa maladie reconnue comme physiologique va pouvoir trouver sa thérapie : le médicament qui permet la recapture de la sérotonine. On dira aussi de lui qu’il est fragile sur le plan psychologique. On pourra alors lui proposer l’apprentissage de normes d’expression et de contrôle des émotions censé le rendre opérationnel pour répondre au grand défi du monde moderne.


Nous sommes bien loin de la définition que j’ai de la maladie. En effet quand je dis « le mal a dit », j’introduis l’idée d’une souffrance qui cherche à s’exprimer. Moi le toqué, je ne suis pas quelqu’un qui manque de caractère mais une personne sensible et non fragile, qui ne fait pas bon ménage avec une vie qui doit répondre aux exigences d’une société d’ultra-consommation qui nous apporte son lot d’incertitudes et d’anxiété.


Quand j’y pense : c’est fou, cette histoire. Aux yeux du plus grand nombre, être fou, c’est être l’anormal, mais n’est-ce pas plutôt souffrir de répondre aux exigences de la normale ? Comme le disait le philosophe Josef Schovanec (atteint du syndrome d’Asperger) lors du magazine « Faut pas croire » de RTS (Radio Télévision Suisse) du 22 décembre 2018 : « Je crois que par certains égards notre société devient de plus en plus excluante. Par exemple avec les réseaux sociaux qui reposent sur le culte de l’ego, sur le principe du narcissique finalement… Et le handicap représente un des derniers bastions d’un fonctionnement alternatif. Peut-être que la véritable mission des personnes handicapées pourrait être d’apporter une forme de bien-être aux gens qui souffrent de troubles de la normalité. Je pense qu’on pourrait le dire comme cela. »


Dans ses conférences, il emploie souvent la formule « comédie de la normalité ». Avec lui, nous comprenons comment normalité et souffrance peuvent se rejoindre. En comprendre les tenants et les aboutissants, c’est accepter la vie comme elle se présente à nous et, pourquoi pas, envisager quelques aménagements pour plus de sérénité.




 
 
 

2 commentaires


Bernard Capel
Bernard Capel
20 nov. 2023

Salut personnellement je me contre-fou du qu'en dira-t-on. Tous les gadgets émis par les réseaux sociaux ou plutôt les réseaux barbares tant les gens lâchent leur haine me laissent froid. La normalité des conformistes je m'en tape.

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Christophe Peroua
Christophe Peroua
20 nov. 2023
En réponse à

Salut ! Je suis comme toi, je les laisse dire tous ces normo-pensants qui dépensent plus qu'ils ne pensent. Par contre en tant que jeune auteur qui pose un regard sur la société où des tas de gens très bien souffrent de cette méchanceté , de ce manque d'empathie, de tendresse, j'ai envie de diffuser des paroles qui font du bien et qui leur montre que leur différence elle a une valeur et du sens. Comme le colibri, j'essaye de faire ma part . Si chacun de nous participe à cet élan on peut espérer voir une partie du monde s'améliorer. Merci pour cet échange.

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